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Dépenses d'amélioration d'un bien immobilier par un des époux

La créance réclamée par un époux au titre des dépenses d’amélioration portant sur un bien personnel de son conjoint doit être évaluée distinctement de celle due pour l’acquisition du même bien.


Des époux, mariés sous le régime de la séparation de biens, divorcent. À cette occasion, l’épouse conteste l’évaluation des créances dont elle est titulaire à l’égard de son conjoint. En effet, durant l’union, l’acquisition de la maison, bien personnel du mari, a été financée pour moitié par l’épouse par un emprunt bancaire remboursé par le compte joint du couple. Des travaux d’amélioration ont été réalisés et financés par un autre emprunt remboursé dans les mêmes conditions.


Pour fixer la créance détenue par l’épouse, la cour d’appel retient que le coût des travaux d’amélioration, partiellement financé par elle, doit être considéré comme intégré dans la valeur actuelle de la maison permettant de fixer le montant du profit subsistant. Par conséquent, la demande au titre du financement desdits travaux doit être écartée.

La décision est cassée au visa des articles 1543, 1479, alinéa 2 et 1469, alinéa 3 du Code civil. En présence de dépenses d’acquisition et d’amélioration du bien personnel de l’un des époux, la créance réclamée par l’épouse au titre des dépenses d’acquisition du bien doit être évaluée distinctement de celle réclamée au titre des dépenses d’amélioration.


A noter : La Cour de cassation Cass. (1e civ. 22-6-2022 n° 20-20.202 F-B) apporte des précisions importantes pour l’évaluation des créances entre époux en présence d’une pluralité de dépenses sur un bien personnel. Gulsen Yildirim, maître de conférences HDR à la Faculté de Limoges, nous livre son analyse.

Pour rappel, si les créances entre époux relèvent traditionnellement du principe du nominalisme monétaire, le renvoi fait par l’article 1479, alinéa 2 vers l’article 1469, alinéa 3 du Code civil les soumet à la dette de valeur pour les dépenses d’investissement. Par conséquent, lorsque les fonds d’un époux séparé de biens ont servi à acquérir, à améliorer ou à conserver un bien personnel de l’autre, la créance contre ce dernier ne peut être moindre que le profit subsistant. Contrairement aux récompenses auxquelles s’appliquent les autres alinéas de l’article 1469, cette méthode aboutit à un appauvrissement du patrimoine prêteur lorsque le profit subsistant est inférieur à la dépense faite. C’est pourquoi, la jurisprudence est venue préciser qu’en l’absence de profit subsistant, la créance est égale au montant nominal de la dépense faite (Cass. 1e civ. 24-9-2008 n° 07-19.710 FS-PB : RTD civ. 2009 p. 162 obs. B. Vareille). Certes, l’arrêt de 2008 concernait l’hypothèse où il n’existait aucun profit subsistant à la suite d’une dépense d’amélioration, mais la doctrine en a déduit que cette solution avait vocation à s’appliquer à toutes les dépenses ainsi qu’à l’hypothèse d’un profit subsistant simplement inférieur à la dépense faite. C’est ce que confirme la décision commentée puisque, pour la première fois, la Cour de cassation affirme à deux reprises que la créance « ne peut être moindre que le profit subsistant ni moindre que le montant nominal de la dépense faite ». Il ne fait donc plus aucun doute que, s’agissant d’une opération d’investissement, la créance entre époux doit être valorisée à hauteur de la plus forte des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant.

Comme pour les récompenses, le profit subsistant en matière de créances entre époux représente « l’avantage réellement procuré au fonds emprunteur », c’est-à-dire l’enrichissement dont a bénéficié le patrimoine débiteur. Dans notre affaire, la cour d’appel s’emmêle les pinceaux dans le calcul de ce profit. L’épouse avait contribué à deux dépenses de nature différente, la première, pour le remboursement de l’emprunt ayant servi à l’acquisition du bien, la seconde, pour celui contracté pour des travaux d’amélioration. Logiquement, elle devait se voir reconnaître deux droits de créance. Or la cour d’appel neutralise celle réclamée au titre de l’amélioration par un calcul étrange qui part du principe que cette dépense est intégrée dans la valeur actuelle de la maison permettant de fixer le montant du profit subsistant.

La censure était inévitable. En cas de pluralité de dépenses engagées relativement au même bien, il est nécessaire de déterminer, pour chaque dépense, le montant de la plus-value qui en est la conséquence. À chaque dépense correspond donc une créance distincte. S’agissant de la dépense d’acquisition, le profit subsistant se détermine d’après la proportion dans laquelle les fonds empruntés au patrimoine de l’époux appauvri ont contribué au financement de l’acquisition du bien personnel de son conjoint. Concrètement, en présence d’un financement partiel, il convient de procéder à la fameuse règle de trois : le profit subsistant se détermine en rapportant la contribution du patrimoine prêteur au coût global de l’opération du bien. Cette proportion est ensuite appliquée à la valeur de ce bien au jour de la liquidation de la créance. La Cour de cassation rappelle ainsi des règles connues mais avec une précision qui mérite d’être soulignée. En effet, la valeur actuelle du bien correspond à celle du bien dans son état d’origine. En d’autres termes, si le bien a subi des modifications, la créance doit être calculée suivant l’état de ce bien lors de l’acquisition. La plus-value procurée par les travaux réalisés ultérieurement ne profite pas au patrimoine emprunteur. C’est pourquoi, dans notre cas, pour évaluer le profit subsistant pour la dépense d’acquisition, les juges du fond auraient dû prendre en considération la valeur actuelle de la maison sans les travaux, même si ces derniers ont été financés pour partie par l’épouse.

La dépense d’amélioration donne lieu à une créance sur un autre fondement. Par conséquent, elle aurait dû être évaluée distinctement de celle réclamée au titre de l’acquisition. Pour ces travaux, le calcul du profit subsistant repose sur la fameuse méthode de la comparaison par soustraction, c’est à dire sur la différence existant entre la valeur au jour de la liquidation du bien amélioré et celle qui aurait été la sienne sans les travaux. Cette soustraction revient à évaluer la plus-value procurée au profit au mari et en à attribuer une partie à l’épouse à hauteur de la proportion de sa contribution au paiement des travaux. Il en résulte que si celle-ci a remboursé la moitié du prêt, il conviendra de diviser par deux la plus-value ainsi calculée.

En pratique, l’application de ces règles, empruntées à celles des récompenses, peut s’avérer complexe. Le notaire peut éventuellement rappeler le caractère supplétif de la valorisation des créances entre époux (C. civ. 1479, al. 2 ; Cass. 1e civ. 4-3-2015 n° 14-10.660 F-PB : RTD civ. 2015. p. 690 obs. B. Vareille) et proposer une autre solution. Dans l’hypothèse d’un divorce conflictuel, comme cela semble être le cas dans notre affaire, l’accord des époux risque toutefois d’être très aléatoire.

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