Le démembrement de propriété est une fiction juridique qui permet de dissocier la pleine propriété d'un bien en deux notions juridiques distinctes : la nue-propriété et l'usufruit. Je vous explique le fonctionnement de ce mécanisme juridique.
Définition du démembrement de propriété
Le démembrement de propriété résulte des caractéristiques mêmes du droit de propriété, définies par l'article 544 du Code civil : " La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements". La propriété se caractérise donc par l'addition de l'usufruit, c'est-à-dire le pouvoir d'y habiter, de l'utiliser (l'usus), de le louer pour en tirer des revenus (le fructus) et de la nue-propriété qui se caractérise par le droit d'en disposer (abusus) et de le modifier. En conséquence, la pleine propriété peut faire l'objet d'une dissociation : l'usufruitier dispose alors du droit d'usage ainsi que des fruits éventuels du bien et le nu-propriétaire conserve le droit de disposer du bien en respectant les droits de l'usufruitier. Ce démembrement de propriété peut intervenir sur des biens meubles (portefeuilles de titres ou d'actions ou sur des biens immobiliers). Le présent article a pour but de développer ce dernier point, l'achat de biens immobiliers en démembrement de propriété.
Le mécanisme de l'achat immobilier en démembrement de propriété L'achat en démembrement de propriété implique qu'une ou plusieurs personnes achètent l'usufruit et une autre ou plusieurs autres personnes achètent la nue-propriété. Le déroulement de l'acquisition est le même que pour tout acte d'acquisition. La seule particularité est qu'il convient de prévoir dans l'acte les droits et obligations entre l'usufruitier et le nu-propriétaire ainsi que les modalités de répartition des frais liés au bien immobilier acquis. Le prix de vente et les frais seront répartis entre l'usufruitier et le nu-propriétaire en fonction d'un barème fiscal établi par l'article 669 du Code Général des impôts. Ce barème est basé sur l'âge de l'usufruitier qui permet de déterminer sa part à financer dans le projet immobilier. La participation financière du nu-propriétaire viendra en complément.
Les droits et obligations de l'usufruitier et du nu-propriétaire Le démembrement de propriété implique que l'usufruitier puisse jouir du bien, c'est-à-dire l'habiter ou le louer pour en toucher les revenus. Il conviendra de bien définir dans l'acte d'achat à la fois ses droits et obligations liés à cette jouissance mais également la répartition des charges attachées au bien (prise en charge de la taxe foncière et des éventuels frais de copropriété, assurances, abonnements d'électricité, travaux d'entretien ou gros travaux qui touchent à la structure de l'immeuble…). Il est important de bien définir le plus précisément possible cette répartition dès le départ afin d'éviter ultérieurement d'éventuelles discussions qui pourraient générer des tensions ou des conflits entre l'usufruitier et le nu-propriétaire. De son côté, le nu-propriétaire devra veiller à laisser la libre jouissance du bien à l'usufruitier. Il a droit à recouvrer la totalité des prérogatives de propriétaire à l'extinction de l'usufruit. Il dispose donc d'un droit futur à la pleine propriété.
Dénouement du démembrement de propriété L'usufruit est un droit par nature temporaire à l'échéance duquel le nu-propriétaire retrouve la propriété pleine et entière du bien qui était originairement démembré. L'échéance peut être à terme fixe, c'est-à-dire pour une durée déterminée dès le contrat d'acquisition ou, le plus souvent, dans le cadre d'une acquisition immobilière, viager (il s'éteint naturellement par le décès de l'usufruitier). Dans ce cas, au décès de l'usufruitier, le nu-propriétaire devient automatiquement plein propriétaire du bien sans qu'aucune formalité particulière ne soit nécessaire, ce qui constitue un intérêt certain pour le nu-propriétaire.
L'intérêt de l'achat en démembrement de propriété
L'achat en démembrement de propriété peut répondre à diverses attentes et permet notamment :
Le partage du prix d'acquisition et des frais d'acte : ainsi, des parents qui voudraient acquérir un bien immobilier mais ne pourraient bénéficier d'un emprunt en raison de leur âge par exemple, pourraient acquérir l'usufruit de ce bien avec leurs enfants qui, de leur côté, achèteraient la nue propriété ;
D'anticiper la transmission du patrimoine : l'achat en démembrement de propriété permet aux enfants de n'acquérir que la nue-propriété du bien immobilier (donc de n'en financer qu'une partie) et de se retrouver pleins propriétaires au décès des parents usufruitiers par exemple, sans que le bien ne se retrouve dans la succession des parents. Les enfants n'auront donc pas de droits éventuels de succession à régler et aucuns frais à débourser pour devenir pleins propriétaires. On pourrait même envisager une donation d'une somme d'argent par les parents aux enfants, antérieurement à l'acquisition, afin que le nu-propriétaire puisse financer l'achat de la nue-propriété ;
L'achat en démembrement croisé, auquel ont recours les couples non mariés ou pacsés et qui implique que chacun des conjoints achète une part d'usufruit et une part de nue-propriété. Au décès du premier conjoint, le survivant devient pleinement propriétaire de la moitié du bien et usufruitier de l'autre moitié, ce qui lui permet de conserver l'usage du logement.
Le projet d'achat en démembrement de propriété doit donc être bien anticipé avant toute recherche de bien immobilier. On ne peut que recommander de prendre conseil auprès du notaire de famille afin de bien préparer ce projet qui permet d'allier sécurité des parties, anticipation de la transmission patrimoniale et optimisation fiscale.
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