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UNE SERVITUDE D'ECOULEMENT DES EAUX USEES PEUT S'ACQUERIR


Une servitude d’écoulement des eaux usées, bien que discontinue, peut s’acquérir par destination du père de famille lorsqu'elle présente des signes apparents lors de la division du fonds et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien.

Cass. 3e civ. 23-3-2022 n° 21-11.986 FS-B


Des propriétaires assignent leur voisin en remise en état d’une canalisation d’évacuation des eaux usées obstruée. Ils invoquent à cet effet une servitude par destination du père de famille, les deux fonds étant issus d’une division foncière.


Les juges du fond rejettent la demande. Il n’est pas contesté que les parcelles concernées sont issues d’un seul fonds, suivant un acte du 30 septembre 1997 qui ne mentionne pas l’existence d’une servitude d’écoulement des eaux usées. Mais il est constant qu’une telle servitude a un caractère discontinu. Elle ne peut donc pas s’acquérir par destination du père de famille, quand bien même elle présenterait un signe apparent matérialisé par un regard.

Censure de la Cour de cassation. Si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude dispose de l'un des héritages, sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement et passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné (C. civ. art. 694). La destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes discontinues lorsque existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de la servitude et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien.



A noter : La création d’une servitude par destination du père de famille correspond à la transformation de l’aménagement intérieur d’une propriété (chemin d’accès, prise d’eau, etc.) en une servitude lors de la division de cette propriété en deux ou plusieurs fonds transmis à des propriétaires distincts (J.-L. Bergel, S. Cimamonti, J.-M. Roux et L. Tranchant : Traité de droit civil. Les biens, LGDJ 3e éd. 2019, n° 359). Le « père de famille » est le propriétaire initial. Quatre critères sont constitutifs d’une telle servitude : l'appartenance du fonds originaire à un même propriétaire, une division foncière, un aménagement apparent mis en place par ce propriétaire et le maintien de cet aménagement lors de la division.

En pratique, la preuve d’une servitude par destination du père de famille diffère selon que la servitude est continue ou discontinue. Pour les servitudes continues et apparentes, la destination du père de famille vaut titre (C. civ. art. 692). La réunion de l’apparence et de la continuité vaut présomption de l’existence de la servitude (V. Gélu-Lafargue, Division foncière : gare à la servitude par destination du père de famille ! BPIM 1/13 inf. 4 n° 9). Celui qui invoque la servitude est ainsi dispensé de produire l’acte de division de la propriété et c’est son adversaire qui devra démontrer que cet acte écarte la servitude (P. Malaurie, L. Aynès et M. Julienne : Droit civil. Les biens, LGDJ 9e éd. 2021, n° 550). Pour les servitudes apparentes et discontinues, celui qui invoque la destination du père de famille doit produire l’acte de division foncière afin de démontrer qu’il ne contient aucune disposition contraire au maintien de la servitude (C. civ. art. 694 ; Cass. 3e civ. 16-9-2009 n° 08-16.238 FS-PB). Or, la servitude d’écoulement des eaux usées, dont l’exercice exige le fait de l’homme et ne peut se perpétuer sans son intervention renouvelée, a un caractère discontinu (Cass. 3e civ. 17-6-2021 n° 20-19.968 F-B : SNH 23/21 inf. 3).

La solution rapportée a déjà été retenue à propos de la servitude de passage qui revêt, elle aussi, un caractère discontinu (Cass. 3e civ. 24-11-2004 n° 03-16.366 FS-PB ; Cass. 3e civ. 16-9-2009 précité ; Cass. 3e civ. 17-6-2021 n° 20-10.740 F-D : SNH 22/21 inf. 2).

Quant à la mention dans l’acte de division susceptible d’écarter l’acquisition de la servitude par destination du père de famille, elle doit en principe être suffisamment caractérisée (Cass. 3e civ. 9-6-2016 n° 14-28.893 F-D). La clause de style par laquelle le vendeur déclare qu'il n'a constitué aucune servitude sur l'immeuble, ou qu'à sa connaissance il n'en existe pas d'autres que celles qui pourraient résulter de la loi ou dériver de la situation des lieux, est en principe jugée insuffisante (Cass. 3e civ. 21-3-2001 n° 14-28.893 F-D ; Cass. 3e civ. 28-4-2009 n° 08-15.404 F-D ; voir toutefois, en sens contraire, Cass. 3e civ. 6-9-2018 n° 17-21.527 F-D).


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